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Forger les hommes pour les chocs futurs 

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| 04 Novembre 2020 | 13921 vues

Le dernier Képi Blanc Magazine est consacré aux sections de chocs dont les légionnaires sont sélectionnés avec rigueur. Leur engagement nécessite travail, entraînement dans l’humilité, persévérance et endurance ... l'ADN de la Légion étrangère.

« Mais la légion s’en va, oui s’en va, part au baroud, baroud »

 

Début octobre, l’armée de Terre a présenté ses capacités à la nation, sur le plateau de Satory. Le chef d’état-major a développé à cette occasion son plan stratégique, déclinaison d’une ambition pour les dix prochaines années. L’enjeu est la supériorité opérationnelle de nos armées, à l’horizon 2030, face à des menaces plus dures, multiformes, sur tous les champs de la conflictualité et tous les milieux matériel ou cybernétique.

Quatre chemins, balisés de 12 projets, permettront à l’armée de Terre de « changer d’échelle » afin de rejoindre cette ambition : forger des hommes à la hauteur des chocs futurs, développer des capacités pour affronter une nouvelle génération de menaces, durcir l’entrainement et enfin fonctionner de façon simplifiée pour plus d’efficacité et de résilience.

Et la légion ? Elle a toujours eu à cœur cette exigence d’être au rendez-vous des combats. Nous le chantons avec gravité : « la légion marche vers le front » ou encore dans le chant la lune est claire, « Mais la légion s’en va, oui s’en va, part au Baroud, Baroud ».

La légion cultive en effet, avec application, son niveau de préparation opérationnelle. « Vers l’excellence opérationnelle » était d’ailleurs le thème du dossier képi blanc de juin dernier. Cela nécessite travail, entraînement dans l’humilité et la persévérance, endurance et récupération [1].

Les 40 000 légionnaires tombés au combat constitue d’ailleurs l’ADN de la Légion, force combattante.  Chaque jeune légionnaire débute son premier contrat dans la crypte du musée. Il y reçoit ce déterminant qui le destine au combat.

« Vous autres, légionnaires, vous êtes soldats pour mourir et je vous envoie où l’on meurt ». L’apostrophe lancée par le général de Négrier au Tonkin en 1884 était destinée à des hommes forgés pour combattre les pavillons noirs soutenus par la Chine. Ces soldats avaient été formés 3 ans plus tôt par ce même chef, alors colonel, nommé à la tête de la Légion étrangère pour la sortir de l’engourdissement de 1870. Sa méthode n’est pas sans rappeler l’ambition d’aujourd’hui : restauration de la rigueur dans l’exécution du service, dynamisme dans l’action, esprit d’initiative[2] . On lui doit ainsi la création des compagnies montées. La dotation d’un mulet pour deux légionnaires pris de vitesse l’ennemi et permis la victoire dans le sud oranais. Cette supériorité opérationnelle des années 1880 a été obtenue grâce à des hommes forgés à résister au pays de la soif, grâce à une nouvelle capacité, le couple mulet-légionnaires, grâce à un entraînement durci permettant d’améliorer l’emploi de cette capacité et enfin probablement grâce à une boucle simple et très courte de prise en compte du RETEX et des bonnes pratiques.

 

Forger les hommes pour les chocs futurs 

 

C’est donc, me semble-t-il, l’histoire rebattue de « monsieur légionnaire » qui n’a qu’un nom mais des milliers de visage. Ce numéro est dans cet esprit, consacré aux sections de chocs. Elles sont d’une certaine manière nos compagnies montées d’aujourd’hui et se construisent pour gagner la supériorité opérationnelle. Plus exigeantes en terme de résilience de technicité et d’engagement, elles sont des laboratoires et des locomotives pour les autres unités de combats.

L’actualité de ce mois nous propose trois autres visages de ce monsieur légionnaire tourné vers la haute intensité.

A tout seigneur, tout honneur, le premier visage est celui du LCL Zlatko SABLJIC. La famille légionnaire a rendu un vibrant hommage à ce combattant infatigable. Cet homme était forgé pour les combats les plus rudes. 

Le second visage est une mosaïque de neuf visages racontant la dernière décennie de combat de la Légion étrangère. Neuf récits regroupés dans un ouvrage intitulé « la lune est claire ».  Neuf officiers de légion témoignent de l’engagement total des képis blancs, attirés par le « baroud ».

Le dernier visage est encore différent, même atypique. Il s’agit du LCL de la réserve citoyenne Rudy Ricciotti. Lui aussi aime le baroud et la Légion étrangère, sa deuxième famille. Il ouvre une nouvelle rubrique dans ce magasine : « sans filtre ». Des amis et fins connaisseurs de notre institution nous ouvriront d’autres horizons de pensée. Le regard de ces patriotes, venus d’un autre univers, participe à l’édifice national et à sa résilience. 

Alors est-ce à dire que la Légion n’a plus rien à faire?

Ce serait nier nos gènes. Notre grandeur et notre servitude est de sans cesse renouveler, c’est à dire, faire à nouveau. La légion doit travailler à mieux recruter, à améliorer ses parcours professionnels, à durcir la formation, à améliorer le quotidien du légionnaire et des familles, à mieux soutenir ses blessés.

La tâche est immense comme elle le fut pour nos Anciens. En avant, au baroud !

 

Général de brigade Alain Lardet

Commandant la Légion étrangère

(Editorial Képi Blanc Magazine – octobre N° 836)

 

[1] Editorial de Képi Blanc Magazine - juin 2020

[2] Histoire et dictionnaire de la légion étrangère p. 650