Chaque année, quelques huit mille hommes venant du monde entier se présentent aux portes de la Légion étrangère. Un bon millier d'entre eux seulement seront sélectionnés et pourront entamer le long chemin qui les mèneront à l'honneur de porter le képi blanc : comprendre et parler le français, devenir légionnaire puis soldat, spécialiste et combattant pour enfi n prétendre à exercer une expertise dans les fonctions opérationnelles qu'offre la Légion étrangère. Et puis, sûrement un jour, recevoir le baptême du feu. Dans le mémento du légionnaire du Régiment de marche de la Légion étrangère de 1945 était écrit l'avertissement suivant : “le combat demeure la phase capitale de l'existence du légionnaire et l’instruction qui va t'être donnée et l'entrainement quotidien auquel tu seras soumis n’ont d’autre but que de te permettre de te présenter dignement et avec le maximum de chances et de succès à cette rude épreuve”. Cette prescription est plus que jamais d'actualité.
Ce chemin de légionnaire, qui ne change pas les hommes mais les révèle à eux-mêmes, offre aussi et surtout ce que le jeune engagé volontaire ne soupçonne pas forcément à son arrivée à la Légion, un engagement en milieux extrêmes : théâtre des opérations, troisième dimension, montagne, désert, forêt équatoriale, milieu aquatique. Autant de défi s qui appellent naturellement le légionnaire et l’on sait qu’en latin, appeler se dit vocare et que ce mot est à l'origine du terme de vocation. D’ailleurs, son histoire et ses chants, quant à eux, lui rappellent sans cesse cette vocation : “de Sidi-bel- Abbès aux sables brûlants de Meknès / sous le soleil brûlant d'Afrique / dans la boue sombre des rizières / à travers pierres et dunes / s'élançant dans la fournaise / nous volons vers l’ennemi...” Autant de références aux milieux extrêmes, qui scellent le destin mais dont il faut parler tout haut, en chantant s’il le faut, pour en atténuer la force, en amoindrir les effets et en conjurer les dangers.
Les opérations au Sahel, en Afghanistan, en Irak, au Tchad ou ailleurs ont permis, en quelques années, à tous les régiments de la Légion étrangère d'être déployés dans des conditions de combat particulièrement éprouvantes, aux confi ns de régions hostiles, nécessitant (dans la mise en oeuvre de leurs savoirfaire) une réelle capacité de réactivité et d'adaptation. Et là encore, ils fi rent comme leurs anciens pour maitriser le milieu.
À Kourou, le 3e Régiment étranger d'infanterie tire son fort esprit de corps de son aptitude à l'engagement en milieu équatorial : Selva ! En 2018, il a attiré d'emblée quarante jeunes légionnaires sortant directement de leur instruction initiale. Régiment en opérations permanentes, son expertise du milieu, reconnue, lui a permis de dispenser au centre d'entrainement en forêt équatoriale (CEFE), cette même année, plus de quatre-vingt formations individuelles et collectives au profi t de deux mille stagiaires, dont de nombreux militaires étrangers.
À Calvi, au 2e Régiment étranger de parachutistes, à chaque compagnie son milieu, de l'amphibie à la montagne en passant par la forêt et le désert. Mais pour tous, c'est d'abord y être parachutiste, spécialité permettant à chacun, selon ses capacités, de suivre le parcours professionnel exaltant des troupes d’assaut au contact de la troisième dimension : l'année dernière, le centre de saut du 2e REP a qualifi é cent quatre-vingt jeunes légionnaires, tandis que plusieurs dizaines d’experts parachutistes (chefs de groupe et de section, moniteurs, largueurs, pilotes tandem et commandos parachutistes) sont sortis de ses rangs.
À Laudun, au 1er Régiment étranger de génie, les plongeurs de combat sont les spécialistes des travaux en milieu aquatique et confi né. Recrutés parmi les meilleurs légionnaires, ils suivent une spécialité longue de près de deux ans, exigeante et extrêmement sélective. Aptes à remplir un vaste éventail de missions comme la reconnaissance de réseaux suburbains, de plages, la dépollution, le déminage ou encore les travaux subaquatiques, les plongeurs du génie savent s’infi ltrer à l'aide de nombreux moyens nautiques ou aériens.
À Saint-Christol enfi n, le 2e Régiment étranger de génie, régiment d'appui-génie de la 27e BIM, maitrise sa triple spécifi cité légion-sapeur-montagne. Chaque année, il qualifi e “montagne” à tous niveaux près de quatre cents cadres et légionnaires. Il forme également ses plongeurs et ses commandos. Le benjamin des régiments de la Légion étrangère, auquel est consacré le dossier du mois et dont nous fêterons cette année les vingt ans, peut s'enorgueillir d'avoir su, comme son ainé le 6e puis 1er REG, porter haut et d'emblée les valeurs d'engagement et d'esprit de sacrifi ce.
En vingt ans, cinq des siens sont tombés au champ d'honneur et la fourragère aux couleurs de la croix de la Valeur militaire vient orner l'épaule de celui qui arbore l'insigne à la pagode, symbole de l'héritage des unités de génie-Légion d'Indochine. Rien n'empêche, telle est sa devise….
Par le Général de brigade Denis Mistral commandant la Légion étrangère
(Editorial Képi-blanc Magazine N°817)