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Les nouvelles technologies resteront au service de nos valeurs

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| 06 Novembre 2018 | 15548 vues

Au combat, le soldat qui a foi en sa supériorité militaire a déjà remporté la moitié de la victoire.

Au combat, le soldat qui a foi en sa supériorité militaire a déjà remporté la moitié de la victoire.

Ce sentiment de supériorité guerrière est un alliage subtil entre les valeurs pour lesquelles il est prêt à se battre et mourir, sa confiance envers ses chefs et ses camarades, la certitude que les armes qu’il sert sont les plus performantes.

Quelques exemples tirés de l’histoire de la Légion illustrent la manifestation de ce sentiment. En septembre 1950, les acteurs et observateurs retiennent des opérations menées en Cochinchine par le 1er REC et le 2e BEP l’étroite collaboration qui règne entre nos différentes armes et l’allant et la camaraderie qui ne cessent d’animer nos hommes. En 1957, la coopération assidue dans les opérations entre les pilotes des “bananes volantes” de la marine nationale et les légionnaires provoque le succès à tous les coups, écrit, enthousiaste, le 2e REP.

Plus près de nous, les légionnaires de l’opération Serval au Mali en 2013, qui ont participé à la victoire contre AQMI, étaient forts de leur supériorité acquise grâce à la combinaison des moyens techniques les plus modernes, leur conférant une supériorité écrasante sur terre, dans la troisième et dans la quatrième dimension. L’évolution des techniques et l’essor de la technologie dans leur course de l’épée contre le bouclier, n’ont eu de cesse de servir le soldat pour augmenter sa force et le protéger. Mais pas seulement dans la façon de détruire l’ennemi : n’oublions pas les progrès de la médecine de guerre, des chirurgies orthopédiques, faciales et réparatrices, des techniques de relevage des blessés qui font l’objet encore aujourd’hui d’améliorations constantes.

Les légionnaires savent apprivoiser et maîtriser toutes les technologies. Il y a quinze ans bientôt, lorsque la numérisation de l’espace de bataille devenait à la fois outil et environnement du combattant, la richesse et la variété des expériences qui composent la Légion étrangère ont permis l’appropriation rapide et entière des nouveautés du combat infovalorisé. À présent, la bulle NEB, les équipements FELIN et les logiciels de simulation n’ont plus de secret pour eux. L’armée de terre, qui met en place un Battle lab - Terre pour fédérer les réseaux d’innovation et favoriser l’innovation individuelle, saura toujours trouver au sein des régiments de la Légion étrangère des talents indispensables à l’évolution des technologies et des techniques nouvelles au service du combattant. Ils existent, ont été plusieurs fois reconnus et sont à l’oeuvre, récompensant l’ingéniosité et la débrouillardise qui ont toujours caractérisé le légionnaire.

Si les progrès exponentiels de la technologie ont rendu cette dernière omniprésente dans l’entraînement opérationnel, ils ont aussi pris toute leur place dans la vie quotidienne des légionnaires. Demain seront développés des outils de gestion et d’information permettant un libre-service administratif militaire individualisé, entrainant de facto de nouveaux changements de mentalités. N’allons-nous pas y perdre en discipline, en cohésion, en camaraderie ? Les technologies de l’information, maintenant solidement établies dans la vie privée de chacun jusqu’à en modifier les comportements, peuvent faire craindre, à juste titre, un repli sur soi, un fort individualisme et un délaissement de nos valeurs, la façon de les vivre pouvant alors être ressentie comme une contrainte.

Le colonel Foureau, commandant le groupement de Légion étrangère, écrivait en 1974 : “nous savons bien que jamais la Légion n’a transigé sur le maintien des valeurs qui nous ont été léguées en héritage, tout en demeurant à l’avant-garde dans la mise en oeuvre des évolutions nécessaires”. C’est toujours vrai aujourd’hui. Nous accompagnerons toujours et maîtriseront résolument ces évolutions.

Tant mieux si le wi-fi gratuit pour tous au quartier permet au légionnaire de contacter sa famille, ses camarades des autres régiments et de mener des démarches administratives lui permettant de gagner du temps, y compris au profit de sa famille. Que cette avancée serve aussi à informer et regrouper les camarades lors des activités de cohésion qui doivent être des moments de “déconnexion” et qui démontrent qu’on est toujours moins seul dans la vraie vie que dans la vie virtuelle. La véritable camaraderie ne se forge pas devant un écran : elle s’acquiert dans les efforts accomplis ensemble, les souvenirs en commun et les actions quotidiennes de la fraternité d’armes, aussi petites soient-elles.

Le dossier du mois nous le montre bien : les légionnaires parachutistes ont bâti leurs victoires sur la puissance de leur collectif. Il nous faut aussi garder à l’esprit que les réseaux sociaux, hormis les risques que leur utilisation inappropriée peut engendrer pour chacun ou pour l’institution, peuvent être à l’occasion les vecteurs du célèbre “cafard” du légionnaire, qui ne trouve là qu’une de ses nombreuses déclinaisons.

Au quartier comme au combat, le commandement prendra toujours les mesures d’encadrement de l’usage de la technologie. Quel légionnaire peut souhaiter que ne tombe aux mains de l’ennemi son smartphone, contenant les coordonnées des membres de sa famille et de ses camarades ? Quel gradé peut se targuer d’être efficace s’il passe plus de temps devant son ordinateur qu’avec ses légionnaires ?

Quel chef peut souhaiter que sa manoeuvre ne soit détectée par l’imprudence d’un seul de ses hommes sur une messagerie, mettant ainsi en péril la sécurité opérationnelle de toute son unité ? C’est pourquoi une fois les avancées technologiques intégrées, le commandement les accompagne de règles d’emploi qui, sans brider ni frustrer les utilisateurs, doivent permettre d’en tirer tous les avantages sans en subir les inconvénients.

Tant qu’elles restent au service de nos valeurs, ces avancées maîtrisées permettront de garder, au combat, l’ascendant sur l’adversaire et dans la vie quotidienne, l’esprit de corps et la cohésion qui ont toujours fait la force de la Légion étrangère.

 

Par le Général de brigade Denis Mistral commandant la Légion étrangère

(Képi-blanc Magazine N°814)