Publié le 27/04/2017 à 10:45 | DRP
La France a toujours eu à son service des soldats étrangers : compagnie écossaise, garde Suisse, hussards Hongrois, ou encore Mameluks. La « Grande Armée » napoléonienne rassemblait presque l’Europe entière. Mais ce n’est qu’en 1831, grâce à une loi de Louis Philippe, qu’est fondée la Légion étrangère, regroupant toutes les unités composées d’étrangers.
Depuis, l’état français a souhaité préserver cette Légion constituée d’étrangers, et lui a renouvelé sa confiance, en acceptant de manière exceptionnelle que la Légion recrute, dès le temps de paix, des étrangers pour porter les armes de la France. Aujourd’hui, la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires réaffirme cette volonté. Le décret de 2008, relatif aux militaires servant à titre étranger, encadre ce choix politique. Et c’est surement là, en premier, dans ces textes, que se trouve la légitimité de la Légion.
Et puis, cette présence continue depuis presque 2 siècles s’explique par la manière dont la Légion remplit son contrat… avec honneur et fidélité, avec le culte de la mission et la conception héroïque de celle-ci, sans rien attendre en retour et souvent au prix du sang. Pierre Messmer disait : “J’ai choisi la légion car je voulais faire la guerre avec des gens sérieux”. Nous sommes des soldats sérieux. La lecture rapide de l’histoire de la Légion le montre clairement. Ses combats sont ceux de la France. Il n’est pas question de mythe, mais bien de faits historiques, de sueur, de sang et de sacrifices. Les français savent tout cela. Ils savent que la Légion a toujours été le fer de lance de la France pour les opérations militaires rustiques, dans un environnement violent. Les livres d’histoire retiennent tous les combats qui ont taillé, à travers le monde, la réputation des légionnaires. Faut-il ajouter des mots aux 42 000 étrangers morts sous le képi blanc au service de la France ? C’est cela que les français applaudissent au passage de la Légion lors du défilé du 14 juillet.
Mais si la Légion perdure, c’est aussi parce qu’elle a su s’adapter. Et cette capacité est dans son ADN. La Légion s’adapte au monde, parce c’est de là que viennent les légionnaires. Elle s’adapte aux évolutions des guerres modernes, aux tactiques, aux zones difficiles. Elle s’adapte à l’environnement interallié, international. Elle s’adapte à la menace intérieure en participant aux opérations Sentinelle, Harpie. Elle s’adapte aux outils mis à sa disposition. Non seulement elle s’adapte, mais elle propose. Laboratoire pour la professionnalisation militaire conduite à partir de 1997, force de proposition pour l’armée de Terre pour la formation, la tactique, l’expérimentation de matériel. La Légion assimile les facteurs de progrès et elle le fait sans perdre ses fondamentaux.
De tout cela, il faut retenir que la Légion fut créée par un roi, qu’elle fit Camerone sur ordre d’un empereur et qu’elle offrit ses plus grands sacrifices sous la République... que son existence résulte de la loi… et que les français disent, comme le Ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian en 2013, leur« Fierté que ces étrangers, venus de près de 150 pays, aient fait le choix de la France. Fierté qu’ils aient choisi de la servir par les armes. Fierté enfin de pouvoir compter sur des soldats d’exception » ; ils soulignent « une troupe d’élite, reconnue dans le monde entier ». On ne se défait pas d’une pièce maîtresse.
Elle reste avant tout une force combattante de l’armée de Terre, commandée par des officiers français. Forte de 8600 hommes, affectés au sein de onze régiments d’infanterie, de génie ou de cavalerie. Elle représente 11% de la FOT, 9% de l’armée de Terre et 7% des terriens. Elle est pleinement intégrée dans la maquette moderne de l’armée de Terre et participe massivement à la remontée en puissance de la Force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes, validée lors de l'actualisation de la loi de programmation. Sur 33 unités élémentaires créées dans ce cadre, 12 le sont au sein de la Légion étrangère… soit 1/3 de l’effort.
Dès lors, après avoir connu des plans de recrutement à moins de 1 000 engagés, la Légion recrute 1 800 légionnaires dès 2015, 1 700 en 2016 et ouvre un plan de recrutement à 1 300 candidats cette année… Aujourd’hui les engagés de 2015 arrivent dans leur parcours de formation. 640 caporaux, 200 sous-officiers, et quelques 1200 spécialistes seront formés au 4e régiment étranger en 2017. C’est un volume considérable.
Début 2018, la Légion aura atteint tous ses objectifs. Alignée sur ses effectifs, elle aura retrouvé le volume qu’elle avait il y a 20 ans, en passant de 6700 à plus de 8900 hommes. Les nouvelles compagnies seront constituées, la 13 DBLE sera alignée à 1300 hommes, comme les autres régiments d’infanterie. Le personnel sera formé sur tout le spectre des spécialités nécessaires au maintien de la capacité opérationnelle des régiments. Elle aura formé l’encadrement nécessaire à sa nouvelle organisation. L’ancienneté moyenne des militaires du rang sera de nouveau autour des 7 ans, après avoir flirté avec le seuil des 5 ans en 2016. La Légion aura absorbé la vague sans avoir dégradé ni la qualité du recrutement, ni celui de la formation. Elle aura de plus, su préserver toute sa capacité opérationnelle durant cette manœuvre.
En termes de fonctionnement, le général commandant la légion étrangère exerce son autorité sur 11 régiments, en assure la cohérence et la cohésion dans les domaines de la gestion du personnel, de l’instruction et de la formation, de la protection et de la sécurité, de la communication, du patrimoine ou encore de la solidarité. Lui sont immédiatement subordonnés un état-major organique et trois formations spécifiques chargées de la formation (4RE), du recrutement (GRLE) et du soutien (1RE). Six régiments opérationnels (1REC, 1REG, 2REP, 2REI, 2REG, 13DBLE) sont rattachés à une brigade de la Force opérationnelle terrestre (FOT) dont ils dépendent en termes d’engagement. Les deux derniers régiments (3REI, DLEM) restent déployés outre-mer, comme force de souveraineté, et participent à la préservation des intérêts de la France et au maintien de la sécurité dans leur zone de responsabilité.
En plus d’être une force combattante, la Légion étrangère est une exception humaine… un système d’homme… Plus de 140 nationalités s’y côtoient… Plus de 40% d’occidentaux (US compris), presque 22% de slaves, moins de 15% viennent du continent africain, 11% d’asiatiques, 10% viennent d’Amérique latine. La Légion accueille tous les volontaires, dès lors qu’ils arrivent à satisfaire les tests de sélection. Seuls un peu plus de 20% y parviennent. En 2016, 1700 sur 8300. Nous prenons les meilleurs, sur simple déclaration d’identité. Nous n’essayons pas de les persuader de s’engager, c’est aux candidats de nous convaincre. La suite est un contrat de confiance qui engage les deux partis. Cinq ans pour le premier contrat. Cinq années au service exclusif de la France, avec honneur et fidélité, baignées dans le culte de la mission. D’un côté l’acceptation non négociable du système dans sa totalité. De l’autre côté le commandement de la Légion étrangère offre la possibilité d’une autre vie, plus haute. Elle offre une famille “Legio patria nostra”, une estime réciproque, des valeurs intangibles : une véritable égalité des chances basée sur une culture du mérite, un système d’entraide et de solidarité, une fraternité puissante née dans les moments difficiles. Elle offre l’intégration par l’effort, dans la société française.
On ne vend pas du rêve ou de l’émotion. Pas question de flatter les particularités, les petites inclinations personnelles, les tendances ou autres futilités… Tu n’es pas tchèque ou bouddhiste, sportif ou protestant, jaune ou marié… tu es légionnaires, c’est tout. C’est un système rugueux, une histoire d’hommes qui donnent leur parole.
"Têtes brûlées au passé trouble, aristocrates ruinés, amoureux déçus, idéalistes exaltés, enfants du malheur, âmes perdues"… les clichés ont la vie dure, nous en avons joué, le cinéma les a portés, la presse en fait encore ses gros titres… la réalité est un peu différente. Le légionnaire est avant tout un jeune homme de son époque. Il a 23 ans en moyenne, a déjà une certaine maturité et une certaine expérience, souvent militaire. Il a un bon niveau général, est en bonne condition physique. Il y a toujours celui qui vient parce qu’il a faim, parce qu’il veut effacer ses premiers pas maladroits dans la vie, parce qu’il cherche une aventure que n’offre plus la société moderne… mais aujourd’hui nous avons surtout celui qui, ayant tout réussi, dans le sens social où on l’entend de nos jours, décide de venir s’engager parce qu’il sait trouver à la Légion cette fraternité franche, cette considération basée sur ses seules compétences, cet apprentissage de valeurs qui le dépasse, une famille qui se revendique, la texture des mots importants comme le courage, l’entraide, la solidarité. Et cette possibilité de tremper ces mots dans les situations les plus abruptes.
Par le Lieutenant-colonel Jean-Philippe Bourban
rayonnement & patrimoine
commandement de la Légion étrangère