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PAR LE SANG VERSE...

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| 28 Avril 2011 | 52493 vues
Editorial du COM.LE du Képi blanc N° 732

"Qui sait si l'inconnu qui dort sous l'arche immense
Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé
N'est pas cet étranger devenu fi ls de France
Non par le sang reçu mais par le sang versé." *

... Par le sang versé : dans notre histoire légionnaire, cette formule claque comme la fi ère affi rmation de notre spécifi cité, comme l'expression d'un idéal revendiqué, d'un défi crânement relevé. Elle témoigne d'une détermination que chacun de nos hommes porte au fond de lui-même : magnifi er la portée de son engagement à la Légion étrangère qui va jusqu'à l'acceptation de la mort au combat pour la défense d'une communauté nationale qui n'est pas la sienne. Elle permet de transcender cet engagement militaire en un véritable choix de vie. Elle impose la reconnaissance de la nation en échange des services rendus par le légionnaire à sa patrie d'adoption. Elle scelle le pacte de service et de fi délité qui unit la Légion à la France.

Ce sang versé, c'est celui de tous ces étrangers qui depuis cent quatre-vingt ans ont choisi de combattre pour notre pays et de défendre les idéaux dont il est porteur : humanisme, tolérance, justice, fraternité... pour affi rmer la place qui est celle de la France dans le concert des nations, une place où la générosité n'est jamais absente. C'est le sang des morts et des blessés de tous les confl its où la Légion a été engagée. C'est le sang de ceux de la Grande Guerre qui ont opté pour le camp de la liberté et de la démocratie. C'est le sang de ces étrangers qui se sont levés en 1940 pour rejoindre les régiments de marche de volontaires étrangers et s'opposer à la barbarie nazie. C'est le sang des "soldats de la paix" des années 90 qui sont venus s'interposer en ex-Yougoslavie pour rétablir la concorde entre des communautés déchirées. C'est le sang de ceux d'aujourd'hui qui en Afghanistan veulent lutter contre le fanatisme et le terrorisme.

La formule "par le sang versé" a été retenue plus récemment comme appellation d'un texte de loi permettant de conférer par une procédure exceptionnelle la nationalité française à tout légionnaire blessé en opérations qui en exprime le souhait. Après une longue "bataille" législative à laquelle la FSALE a pris une part très active, lors de son vote, cette loi a fait l'objet d'un consensus unanime de la représentation nationale. Ce texte matérialise de manière simple et évidente une réalité très concrète : peut-on mieux prouver son attachement à la France qu'en acceptant de lui donner sa jeunesse, sa santé, sa vitalité ? La République peut-elle mieux témoigner sa reconnaissance qu'en offrant à ces combattants étrangers touchés dans leur chair de devenir Français à part entière ?

Le sang versé, c'est aussi celui des jeunes hommes qui ont été blessés au combat dans les opérations extérieures récentes et à qui la Légion souhaite en ce 30 avril rendre un vibrant hommage pour leur courage, leurs souffrances et leur dévouement. Il faut associer à cet hommage celui qui est dû à tous ceux qui les soignent, les accompagnent, les rééduquent, les recueillent : médecins et infi rmiers du service de santé des armées, cellule d'accompagnement des blessés de l'armée de terre, association Terre Fraternité, association des gueules cassées... mais aussi tous ces bénévoles anonymes et toutes ces associations d'anciens qui entourent et aident nos camarades blessés.

Commémorer le sang versé par les légionnaires, c'est fi nalement mettre en exergue une solidarité vivante et forte, dont notre foyer d'entraide est la plus belle expression. Une solidarité qui doit continuer à faire en sorte qu'aucun de ces volontaires étrangers qui ont fait le choix en toute liberté de consacrer une partie de leur existence à la défense de notre pays ne soit laissé pour compte.

Joyeux Camerone à tous.

Général de division Alain BOUQUIN

 

* Quatrain tiré du poème "le volontaire étranger" - Pascal Bonetti - 1920