Do-Hûu Vi, le légionnaire aviateur qui inventa le vol de reconnaissance, par André Rakoto

Do-Hûu Vi fait partie des nombreuses personnalités qui, venues de loin, ont participé de manière exemplaire à faire vivre la République française. Il prend rang dans la liste des 315 noms relevés par le Comité scientifique, présidé par l’historien Pascal Blanchard, et transmis au gouvernement pour être mis à l'honneur dans l’espace public. 

Do-Hûu Vi, aux commandes d'un monoplan Blériot, en 1911. / Monde et Caméra / Coll. musée de l'Air et de l'Espace - Le Bourget

 

Do-Hûu Vi, l’aviateur qui inventa le vol de reconnaissance

Sur le bord droit, tracées à la plume noire, les boucles des lettres écrivent son nom : Do-Hûu Vi. Ce livret matricule recense toutes les affectations et faits d’armes du capitaine. À la veille de la Première Guerre mondiale, tous les officiers en avaient un. Sur un petit papier blanc qui se détache des feuilles jaunies, on peut lire : « Officier courageux et plein d’entrain, glorieusement tombé en entraînant sa compagnie à l’assaut des tranchées allemandes. » Fauché sur le champ de bataille en 1916.

Ce n’est pourtant pas l’infanterie, fouler les sols boueux, les cratères monstrueux, qui attirait le jeune militaire.  Depuis ses vingt ans, Do-Hûu voulait piloter. Fils d’un riche mandarin de la région de Saïgon, né en 1883, il avait fréquenté les meilleures écoles en Indochine avant d’être envoyé dans la fabrique de l’élite métropolitaine à Paris, le lycée Janson-de-Sailly, puis à école spéciale militaire de Saint-Cyr, promotion Centenaire d’Austerlitz.

L’aviation, balbutiante à l’aube du XXe siècle, ne s’offre pas à la sortie de l’école. Do-Hûu commence donc sa carrière d'officier en qualité de sous-lieutenant du 1er régiment de la Légion étrangère, au Maroc, en 1907. Avec ses hommes, il se bat à Oujda, à Casablanca, puis dans le Haut-Guir, avant d’affronter les guérillas de la frontière algérienne. Quatre ans plus tard, il touche au but. À son retour en France, près de Bordeaux, il est détaché au service de l’aviation.

Là, tout s’enchaîne, jusqu’au brevet de pilote militaire, en 1911, obtenu deux ans seulement après son modèle, l’aviateur Louis Blériot. Entre 1905 et 1909, ce dernier a produit onze proto­types dont le fameux Blériot XI, avec lequel il fut le premier à traverser la Manche, le 25 juillet 1909. Le même que Do-Hûu pilote bientôt à la section d’aviation de Casablanca, effectuant des missions de reconnaissance.

Lieutenant de Lafrague des spahis algériens et lieutenant Dô Huu Vi de la légion étrangère, photographie anonyme, non datée. / Collection privée d'Eric Deroo.

Le jeune lieutenant n’est pas le seul à deviner les atouts des aéroplanes. En Europe, l’idée de faire de l’aviation une « nouvelle arme » chemine au sein des gouvernements. En trois ans seulement, à partir de 1909, sont créés l’Aéronautique française, les Fliegertruppen allemandes et le Royal Flying Corps britannique. Mais rien ne vaut une démonstration au front. Et c’est « Dohu », revenu au Maroc en 1912, qui l’effectue, permettant à ses frères d’armes d’échapper aux rebelles par la rapidité des informations transmises depuis les airs.

Double courage

Avant que la guerre n’éclate, le lieutenant Do-Hûu réalise la première liaison Casablanca-Marrakech et des essais d’hydravions sur le Mékong. Puis, dès octobre 1914, il rejoint la France et multiplie les vols de reconnaissance au-dessus des lignes ennemies. « Il me faut être doublement courageux, car je suis à la fois Français et Annamite », écrit-il. Six mois plus tard, son appareil s’écrase.  Transporté au Val-de-Grâce, Do-Hûu reste neuf jours dans le coma, avec un bras, la mâchoire et le crâne brisés.

Remis de ses blessures, l’aviateur continue malgré tout de servir. Un temps, il devient observateur lors des raids de bombardiers. Et lorsqu’il perd tout espoir de piloter à nouveau, il prend le commandement de la 7e compagnie de la Légion étrangère dans les tranchées de la Somme. C’est là, entre Belloy-en-Santerre et Estrée, qu’il trouve la mort le 9 juillet 1916. Dans le cimetière de Dompierre, le double courage du soldat Vi est désormais gravé sur sa tombe : Capitaine-aviateur Do-Huu, mort au Champ d’Honneur ; pour son pays d’Annam, pour sa patrie la France.

Sa dépouille mortelle a été rapportée de France en 1921 par son frère aîné, le colonel Do-Hûu Chan, lui aussi saint-cyrien, et déposée dans le jardin des ancêtres, au Vietnam. En 1930, un timbre a été imprimé à son effigie.

Récit réalisé à partir d’entretiens avec l’historien André Rakoto

LA CROIX -  Extrait de l’article de Béatrice Bouniol, paru le 12/02/2021

 

| Ref : 714 | Date : 12-02-2021 | 23939