La Légion étrangère a participé à la montée en puissance des effectifs de l’armée de Terre, s’acquittant de cette tâche au prix d’un effort reconnu. Elle occupe aujourd’hui, au sein de la Force opérationnelle terrestre, une place qu’elle se doit d’honorer avec professionnalisme, en offrant à la France ses qualités de force combattante robuste, performante et moderne.
Encore une fois et dans sa plus pure tradition, la Légion étrangère a changé de format, s’est réorganisée et s’est rétablie. Elle le doit en tout premier lieu aux étonnantes ressources de ses hommes, “dont l’honneur, disait un de nos anciens, consiste à ne trouver aucune tâche difficile, aucune besogne rebutante, aucun obstacle insurmontable”. Il faut leur rendre hommage.
Elle le doit aussi à son caractère à la fois immuable et toujours en mouvement.
Du côté de ce qui nous semble immuable, il y a ce choix politique inchangé depuis 1831 de confi er les armes de la France, dès le temps de paix, à des volontaires étrangers regroupés au sein d’une même Légion. Il y a aussi ses valeurs, inscrites progressivement sur ses drapeaux et étendards, exprimées et incarnées par tous ceux qui, des cinq continents, sont venus servir la France et mourir pour elle. Il y a les moments de gloire et ceux de sacrifi ce, qui ont traversé deux siècles de confl its ainsi que leurs champs de batailles, au cours desquels la Légion étrangère, mêlant son histoire à celle de l’armée française, a forgé sa légende et l’héritage dont nous sommes aujourd’hui comptables.
Mais la Légion est loin d’être figée ! Depuis sa création, elle n’a eu de cesse de s’adapter au contexte stratégique, aux circonstances, à l’ennemi, à la technologie. Sans pour autant remonter aux origines de son histoire, de nombreux exemples illustrent cette capacité d’adaptation.
En 1914, elle intègre dans l’urgence les quelques 36 000 étrangers patriotes répondant à l’appel des amis de la France et forme des régiments de marche qui finiront fusionnés pour n’en faire plus qu’un, le Régiment de marche de la Légion étrangère, commandé par un certain lieutenant-colonel Rollet qui innovera dans la tactique et le conduira à la gloire en 1918, lors de la percée de la ligne Hindenburg. Recruter, intégrer et former grâce à un “socle” agile et toujours taillé au plus juste : le dépôt commun et l’instruction de la Légion étrangère, quelles que soient leurs appellations, ont su, de Sidi-bel-Abbès à Aubagne et Castelnaudary, faire de ces étrangers des légionnaires servant la France avec honneur et fi délité.
Quelques années plus tard, en 1920, les nombreux Russes blancs, repliés des combats de la révolution d’octobre, offriront de telles qualités de cavaliers que la Légion décide de créer le 1er Régiment étranger de cavalerie, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles formes de combat. Trois décennies plus tard, dans la plaine des Joncs et le delta du Mékong, ce même régiment rivalisera d’ingéniosité tactique grâce aux crabes et alligators, engins amphibies conçus spécialement pour le théâtre indochinois et dont les légionnaires sauront exploiter toutes les ressources. Dans le même esprit, depuis plus de cinquante ans, en outremer et à l’étranger, de Madagascar à Tahiti en passant par Djibouti, Mayotte et la Guyane, les régiments de la Légion étrangère savent aussi bien terminer leurs missions et fermer leurs portes qu’en ouvrir de nouvelles et ressortir les drapeaux, comme ce fut le cas à Camerone cette année, avec celui du 11e REI dont le Groupement de recrutement de la Légion étrangère est désormais le gardien.
La Légion étrangère a toujours su s’adapter à l’ennemi. Elle fera d’ailleurs de l’Indochine un véritable laboratoire d’unités nouvelles et de doctrines d’emploi : compagnies de réparation, de transport, de ravitaillement par air, vedettes blindées, chalands et engins fluviaux. Le 2e Régiment étranger d’infanterie armera même deux trains blindés de 1948 à 1954. En sautant sur Kolwezi en 1978, le 2e REP fait la démonstration éclatante de la grande maîtrise de ses savoir-faire face à la guérilla katangaise et ses preneurs d’otages. Au début des années quatre-vingt, la Légion intègre les sapeurs de combats, devenus indispensables aux opérations conduites dans les guerres du faible au fort. L’expertise “tous milieux” des 6e REG, puis 1er et 2e REG s’impose face à l’ennemi, y compris en montagne. Plus proche de nous, depuis 2013 au Sahel, maniant fondamentaux de la guerre du désert, sauts opérationnels et opérations dynamiques, elle obtient de remarquables résultats face aux groupes armés terroristes.
Enfin, la Légion étrangère a toujours su faire sienne l’évolution des technologies. Aujourd’hui, elle met en œuvre les matériels les plus modernes et intègrera demain le nouveau système de combat SCORPION, comme elle s’est jadis appropriée les techniques parachutistes ou les armes les plus pointues. À chaque fois, elle valide ces adaptations par des opérations, sur le terrain, s’engageant avec confi ance sur ses nouvelles structures, ses nouveaux matériels et forte de nouvelles qualifications.
C’est pourquoi la Légion ne change pas, car elle s’adapte en permanence. Voilà pourquoi certains disent que “la Légion étrangère n’est plus ce qu’elle était”. Ils ont raison, et heureusement.
Par le Général de brigade Denis Mistral commandant la Légion étrangère
(Képi-blanc Magazine N°813)
| Ref : 634 | Date : 03-10-2018 | 17228